T-U-V

La Laponie couleur sang

La laponie couleur sang

Bixente et Elorria, un couple de Français, décident de séjourner à Yvarka, en Laponie finlandaise, « destination touristique très en vogue ». Le froid (-27°) lors de leur arrivée ne les décourage pas, d’autant plus qu’il descend encore, jusqu’à -37°, voire -50° en forêt ! Ils en auront pour leur argent, se promettent-ils, et contempleront des aurores boréales. Jusqu’à ce que le corps d’un homme assassiné soit retrouvé « nu, les bras en croix », la tête baignant « dans une mare de sang » à l’intérieur d’un sauna. Puis un autre meurtre est commis. Puis... « Bref, ce cauchemar lapon virait à l’hystérie. » Puisque le groupe de touristes français semble visé, le commissaire Max Laval est dépêché depuis Paris, accompagné de Paul, son « pote d’Interpol », pour mener l’enquête entre la France et la Finlande et faire éclater une vérité inquiétante. Avec La Laponie couleur sang, le Français Robert Thiébaut, ancien enseignant et principal de collège à la retraite, signe son cinquième titre. Un ouvrage truffé de mots anglais, avec, à chaque fois, une traduction entre parenthèses. C’est mieux, certes, que pas de traduction du tout, comme cela est souvent le cas, mais trop c’est trop ! D’autant que le vocabulaire se veut à la mode et que les anglicismes abondent. Également nombre de citations d’écrivains et d’artistes contemporains (Matthieu Ricard, Guillaume Musso, Jean d’Ormesson, Grand corps malade, etc.), pas franchement utiles. Et des références artistiques en veux-tu, en voilà (en lien avec les crimes, bien sûr), toutes explicitées, au cas où le lecteur ne comprendrait pas ou ne connaîtrait pas : « ...le célèbre tableau ‘Le Cri’ du peintre expressionniste norvégien Munch ». Tout est à l’avenant, sans compter l’adjectif « petit » (et « p’tit ») à toutes les sauces, les coquilles, les erreurs de typo – une relecture attentive du manuscrit n’aurait pas été inutile. Reconnaissons cependant que Robert Thiébaut ne s’en sort pas trop mal, que ce roman, qui relate l’angoissant séjour de Français dans un hôtel de Laponie, se laisse gentiment lire.

* Robert Thiébaut, La Laponie couleur sang, Vaillant, 2022

Le Garçon de l’ombre

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De Carl-Johan Vallgren, on connaissait déjà, en français, Les Aventures fantastiques d’Hercule Barfuss (Lattès, 2011) et L’Homme-sirène (Lattès, 2015), deux romans plutôt originaux. Le dernier paru, Le Garçon de l’ombre, appartient, lui, au genre policier. Une poussette d’une main, un jeune garçon au bout de l’autre, un homme s’apprête à rejoindre sa femme, à Stockholm. Il lâche son garçon pour prendre l’ascenseur, le confiant à une femme inconnue qui propose de monter l’escalier avec lui. À l’arrivée, l’enfant a disparu. « Qui avait fait le coup ? Soit il s’agissait d’un forcené solitaire, soit il y avait eu complicités. Un chantage qui avait mal tourné ? (…) Un réseau de pédophiles ? » Des années après, Joel, le frère du garçon, devenu adulte, disparaît mystérieusement. Sa femme est convaincue qu’il n’est pas parti de son plein gré et engage pour mener l’enquête Danny Katz, un informaticien doué et porté sur l’héroïne, qui, en dépit de leur différence de classes sociales, fut l’ami de chambrée de Joel lors de leur service militaire. Mais l’épouse est assassinée et le coupable laisse délibérément des indices qui accusent Danny Katz. « Un succès international » affirme un bandeau sur la couverture. Bof ! dirons-nous. La seule touche non convenue de ce roman policier est qu’il nous emmène, brièvement, dans la diaspora juive de la capitale suédoise. Mais au-delà, peu d’intérêt. Toutes les ficelles sont tirées : des héros suspectés, des hasards qui tombent vraiment bien, des rebondissements à foison, des invraisemblances en pagaille, de l’amour perturbé, de bons sentiments en veux-tu, en voilà… Quant à la troisième partie du livre, c’est, selon nous, un concentré de tout ce qu’un auteur devrait éviter dès lors qu’il entend conserver des lecteurs.

 

* Carl-Johan Vallgren, Le Garçon de l’ombre (Skuggpojken, 2013), trad. Esther Sermage, JC Lattès, 2016

 

Le Tunnel

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On ne saurait le nier, Carl-Johan Vallgren a peaufiné son roman. Le Tunnel compte de nombreux personnages (certains déjà présents dans L’Enfant des ombres) et tous sont méticuleusement décrits, à l’instar de ce Danny Katz, par exemple. Le lecteur fait connaissance avec ses grands-parents et ses parents (et notamment Benji, son père, actif antinazi), Juifs exilés en Suède au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il découvre également le monde de la prostitution et plus encore celui de l’industrie du film pornographique. Relevons que Carl-Johan Vallgren (né en 1964) semble s’amuser à doter ses personnages de noms d’auteurs contemporains : ainsi Danny Katz (Daniel Katz est un excellent auteur finlandais, cf., par exemple, Le Grand-père Benno ou Œil pour œil, chien pour cochon) ou Jennifer Roslund (avec son acolyte Börge Hellström, le Suédois Anders Roslund a signé plusieurs romans policiers : La Bête, L’Honneur d’Edward Finnigan, etc.). Le Tunnel compte en fait trois personnages principaux, Danny Katz, Jorma Hedlund et la policière Eva Westin, qui se connaissent pour avoir partagé un lointain passé de toxicomanes, comme s’en souvient cette dernière : « …Les années sombres de son adolescence, la consommation d’héroïne, les gangs (…), les terribles événements auxquels elle n’avait pas le courage de repenser… » Chacun est au centre d’une intrigue, et ces trois histoires vont progressivement se rejoindre, jusqu’au dénouement de l’enquête. Un polar conventionnel, pas déplaisant.

 

* Carl-Johan Vallgren, Le Tunnel (Svinen, 2015), trad. Esther Sermage, JC Lattès (Thriller), 2017

L’Aigle de sang

Affecté par l’état de santé de Mikaël, son compagnon, un journaliste, l’inspecteur Andreas Auer quitte la Suisse pour l’île de Gotland. Les déclarations de Jessica, qu’il pensait être sa sœur, l’ont perturbé. Ses parents adoptifs détiennent-ils un terrible secret ? Mais le voyage en Suède ne va pas être de tout repos. « En bon flic, il avait appris à pénétrer l’esprit des criminels, à cerner leur personnalité, à comprendre leur mode opératoire. Entrer dans sa propre tête, c’était une tout autre histoire. » D’origine estonienne, ses véritables parents sont, semble-t-il, morts dans un accident de voiture et il a été adopté ensuite. La vérité ne serait-elle pas plus compliquée ? L’Aigle de sang est le troisième volume (après Le Dragon de Muveran et Qui a tué Heidi ?) avec le personnage d’Andreas Auer. Enfant d’une mère suédoise et d’un père allemand, Marc Voltenauer (né en 1973) entraîne le lecteur dans les arcanes d’un groupe désireux de faire revivre les traditions liées aux Vikings. L’Aigle de sang est un roman plutôt bien construit, peut-être trop, quand tout s’imbrique à merveille dans les dernières pages. Les pratiques païennes des Vikings sont longuement décrites et remises au goût du jour. Intéressant, faute de toujours être crédible. Rappelons juste à l’auteur qu’en Suède, comme du reste dans l’ensemble de la Scandinavie, les véhicules doivent circuler feux de croisement allumés à tout moment du jour et de la nuit, quelles que soient les conditions météo, si fluctuantes (p. 346).

 

* Marc Voltenauer, L’Aigle de sang, Slatkine & Cie, 2019