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Dans l’ombre de Lena
« …Quand je peins, tout disparaît. (…) Je me sens bien, mais je suis tellement absorbée par ce que je fais que je ne me méfie plus de rien. Je sursaute quand ma sœur, surgissant derrière mon dos, me prend soudain dans ses bras… ». Elsa est une adolescente plutôt introvertie. Sa sœur, c’est Lena. Elles sont jumelles, mais question caractère, aux antipodes l’une de l’autre. L’art les intéresse toutes les deux, plutôt la peinture pour Elsa, donc, et le théâtre pour Lena. « Ma sœur et moi, on sait presque tout l’une de l’autre », songe Elsa. Qui se rend compte qu’elle est amoureuse d’un camarade de sa classe, Eliott. Qui, lui, trouve Elsa « très spéciale », ce qui est un compliment. Mais comment faire quand on marche constamment dans l’ombre de sa sœur ? « Je ne suis pas Lena, d’accord. Mais je ne suis pas non plus son double en plus fade ! C’est moi qui me suis transformée en copie, en la suivant comme un petit chien. (…) Au lieu d’être plus moi-même, de chercher ma propre voie ! » Changer de look du tout au tout ? Dans l’ombre de Lena est un roman intelligent sur la gémellité et sur l’affirmation de soi.
* Katarina von Bredow, Dans l’ombre de Lena (Släppa taget, 2015), trad. Françoise et Marina Heide, Magnard Jeunesse, 2017
Sally Jones
« Je vis (…) dans le monde des humains. J’ai appris la manière dont vous réfléchissez et je comprends ce que vous dites. J’ai appris à lire et à écrire. J’ai appris à voler et à trahir. Je sais ce qu’est la cupidité. Et la cruauté. (…) Je m’appelle Sally Jones. » Et si Sally Jones tient à préciser tout cela, c’est parce qu’elle est une femelle gorille qui vit dans notre monde sous la protection d’un marin finlandais, Henry Koskela, le Chef : « Mais il ne fait pas partie de ces hommes qui éprouvent le besoin de posséder quelqu’un. Nous sommes des compagnons. Et des amis. ». Tous deux sont chargés d’une mission au Portugal. Mais cela se passe mal, Henry Koskela est accusé du meurtre d’un homme et condamné à vingt-cinq années de prison. Prise en charge par une femme, Ana Molina, remarquable chanteuse de fado qui va bientôt débuter une carrière internationale, Sally Jones est obligée de fuir et se retrouve en Inde, où vivrait toujours, elle le pense, l’homme que Henry Koskela est censé avoir tué. Né en 1966, auteur et illustrateur (notamment de ce livre), Jakob Wegelius signe avec Sally Jones un roman foisonnant : rebondissements, amitié indéfectible, voyages autour du monde, racisme et tolérance… Tout est là pour faire de cette lecture, plutôt destinée aux adolescents mais qui réjouira aussi les adultes, un grand moment et il n’est pas étonnant que ce livre ait reçu le Prix August, plus prestigieux prix littéraire suédois.
* Jakob Wegelius, Sally Jones (Legenden om Sally Jones, 2014), trad. Agneta Ségol & Marianne Ségol-Savoy, Thierry Magnier, 2016
Sally Jones, La Grande aventure
Le roman avant le roman. Ou, plus exactement, le roman graphique, destiné aux enfants plutôt jeunes (dès 7 ans, selon l’éditeur) avant le roman de trois cents pages pour ceux qui savent bien lire tout seuls. Sally Jones, La Grande aventure entend raconter la rencontre de Sally Jones, gorille femelle, avec le Chef – Koskela, chef d’équipage. « Tout commença par une sombre nuit de tempête il y a une centaine d’années. Une petite gorille naquit au fin fond de la forêt tropicale africaine. Il n’y avait ni lune ni étoiles. L’aîné du groupe prédit alors que le nouveau-né serait frappé par de nombreux malheurs au cours de sa vie. » Et en effet, la gorille est capturée, vendue, offerte, apprivoisée, utilisée, emprisonnée, frappée, exposée, frappée encore, puis rachetée… par Koskela. Lequel n’hésitera pas à rompre son mariage pour ne pas avoir à se séparer de Sally Jones. Le sort de la gorille est triste et capricieux mais jamais définitif car elle est ingénieuse et parvient à affronter tous les périls. Souvent proches du regard photographique, les illustrations de l’auteur correspondent à ce que l’on attend du récit d’aventure, elles mettent en valeur chaque scène sans tout révéler, certaines évoquent les affiches de cinéma d’autrefois. L’intrigue file, de rebondissement en rebondissement, quelque part entre les romans de Jack London et ceux de Jules Verne. À lire ou faire lire, à recommander.
* Jakob Wegelius, Sally Jones, La Grande aventure (Legenden om Sally Jones, 2008), trad. Agneta Ségol & Marianne Ségol-Samoy, Thierry Magnier, 2016
La Rose du Hudson Queen
Dans le genre roman d’aventure pour ado (ou plus âgé), Sally Jones, de Jakob Wegelius, se pose là. Ce nouveau volume, La Rose du Hudson Queen, continue à nous relater la vie de cette guenon particulièrement intelligente et rusée, et des personnages qui l’accompagnent, comme le Chef, son cher patron du Hudson Queen, navire sur lequel tous deux vivent. Roman de marins, également, car l’action prend les mers et les grands ports du monde pour cadre. Les anecdotes se succèdent, avec des fermiers et des coqs, des gangsters, des musiciens et des boxeurs... « Le bateau était notre seule maison et nous ne savions jamais à l’avance où notre prochain chargement nous emmènerait. C’était de cette vie-là, la vie libre, que le Chef avait rêvé durant les dures années qu’il avait passées en prison. » Déjà un classique.
* Jakob Wegelius, La Rose du Hudson Queen (Den Falska rosen, 2020), trad. Agnéta Ségol & Marianne Ségol-Samoy, Thierry Magnier, 2020