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Magnus

Présenté comme un « guide, spécialiste de la Norvège et de la Laponie », Laurent Peyronnet est né en 1966. Dans les trois volumes centrés sur le personnage de Magnus, un jeune garçon, que publient les éditions Dadoclem, il entraîne le lecteur dans une Norvège mystérieuse, où vivent de drôles de personnages. Ainsi, dans le premier, Une Histoire pour tuer le temps, alors que son père lui demande de le rejoindre au plus vite à l’auberge pour l’aider, Magnus fait-il la rencontre d’un vieil homme sur lequel courent pas mal de bruits. Celui-ci l’invite à entrer dans sa maison à « l’aspect délabré » : « La voix du vieil homme était douce mais ferme. (…) Son visage faisait penser à celui d’un vieux sage, un peu triste peut-être mais pas du tout effrayant. » Il propose de lui raconter « une histoire pour tuer le temps ». Et plus : il lui ouvre la porte de sa bibliothèque. Et c’est comme si l’on pénétrait dans un autre monde, de plein pied. Magnus est subjugué. Le Dernier chaman, le volume suivant, poursuit ces aventures. Arbres et animaux de la forêt sont dotés de la parole. Magnus surmonte vite son étonnement pour converser avec eux. Il est vrai qu’il a été métamorphosé et qu’il voyage dans les livres sans plus pouvoir revenir dans le monde dit réel. Retrouvera-t-il le vieil homme qui lui avait ouvert les portes de sa maison ? Il fait ici la connaissance d’un individu « assis dans un confortable fauteuil bergère » qui lui dit être né sur l’île de Fionie un jour d’avril 1805 et goûter la lecture. « J’adorais les romans. Dès que j’en ouvrais un, j’oubliais la pauvreté, le froid, les mauvais vêtements. J’aurais voulu vivre dans les livres si un tel miracle avait été possible. » Outre H. C. Andersen, Magnus se lie avec des Inuits, avant d’être retrouvé par son père. Mais il a maintenant un nouveau compagnon : un troll nommé Rognetide. Dans le volume suivant, Les Peuples invisibles, ce troll va lui présenter le peuple des montagnes et des forêts. Mais Magnus doit suivre son père qui déménage à Oslo. Le voici inscrit à l’école. « Trois brutes (…) n’avaient de cesse de faire échouer toutes ses tentatives d’intégration dans la classe. » Magnus trouve la parade : il devient un ours ! Et fait la connaissance d’Edda, qui devient son amie. Bientôt, il apprend que la vallée dans laquelle il habitait va être détruite car on y a découvert de l’or. « La peur d’un nouveau Ragnarök » le submerge, mais d’anciens dieux surgissent. Voyage extraordinaire, voyage initiatique, que cette émouvante trilogie, au cours de laquelle Magnus acquiert la conscience, lui qui est maintenant un « passeur » : « Pour les humains d’aujourd’hui (…) la pensée est bien moins réelle que la matière alors qu’en vérité, c’est l’inverse. (Elle est) la substance des choses tandis que la matière n’en est que le vêtement. » À signaler qu’à la fin de chaque volume un glossaire bien conçu donne les explications de certains mots ou de certains usages. Un message à retenir de cette belle fresque, peut-être : « Derrière chaque personne, chaque objet, chaque détail que tu vois dans (les) rues, se cache, pour celui qui sait lire, un univers tout entier, une histoire, un destin que l’on peut ramener à la surface et qui fait de chaque être de cette foule quelqu’un d’unique. » (Le Dernier chaman) Hommes, bêtes ou plantes, nous sommes tous uniques et partageons tous, pourtant, une même destinée. Amenés à vivre ensemble, nous devons donc, non pas nous combattre, mais nous entraider.

 

* Laurent Peyronnet, Magnus (1 : Une histoire pour tuer le temps, 2012 ; 2, Le Dernier chaman, 2014 ; 3, Les Peuples invisibles),2020, Dadoclem

Les Petites bêtes du terrain de foot

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On peut avoir horreur du foot (enfin, du foot télévisé, du foot marchand !) et apprécier pourtant le très bel album de Tove Pierrou (née en 1980, scénario) et Joanna Helgren (née en 1981, illustrations), Les Petites bêtes du terrain de foot. Car il ne s’agit pas ici, pour le principal protagoniste, de donner des coups de pied à un inoffensif ballon et de « piétiner le gazon », mais, sans s’y attendre, de découvrir toutes ces « petites bêtes » qui vivent sur la pelouse d’un terrain de foot. Elles sont nombreuses et ont aussi le droit de vivre là même si « ça doit faire drôlement mal un ballon quand on est un escargot ». Ce livre offre un regard décalé et percutant sur un sport apprécié de beaucoup de gamins, qui ne se demandent pas si scarabées, bourdons et pissenlits sont interdits de terrain. « C’est agréable de s’asseoir après avoir usé ses jambes ». Et encore plus après avoir tenté de converser avec tous les insectes présents ici ou là. Un album traitant de façon originale de la vie quotidienne des enfants et du respect qu’ils doivent à la nature.

* Tove Pierrou/Joanna Hellgren, Les Petites bêtes du terrain de foot(Småkrypsboll, 2015), trad. Marie Valera, Cambourakis, 2017