Q-R-S-T
Le Flic ricanant
Le film de Stuart Rosenberg (1927-2007), Le Flic ricanant, n’a que peu à voir avec le roman de Maj Sjöwal et Per Wahlöö dont il est adapté (Den skrattande polisen, 1968, ou Le Massacre de l’autobus en français, ou encore, pour les rééditions, Le Policier qui rit). L’inspecteur Martin Beck est ici un bourrin qui enquête certes sur un massacre commis dans un autobus, mais l’action se passe à San Francisco et le lent déroulement de l’intrigue n’est que peu restitué. Ces réserves énoncées, l’atmosphère est là, avec des décors qui permettent au spectateur de se plonger dans l’action.
* Stuart Rosenberg, Le Flic ricanant (The Laughing policeman) (1973)
Bron/Broen/The Bridge
Signée Hans Rosenfeldt (né en 1964), cette série, Bron/Broen, compte 4 saisons et a été réalisée de 2011 à 2018. Complexes, les quatre séries mettent en scène une policière suédoise, Saga Norén, plus ou moins autiste, et un policier danois, Martin Rohde dans les deux premières saisons, et Henrik Saboe ensuite. Des crimes ont été commis sur le pont reliant le Danemark à la Suède, dans le détroit de l’Öresund, ou au alentours immédiats de celui-ci, justifiant une coopération entre les deux polices, celle de Copenhague et celle de Malmö. La première série s’articule autour de la traite des blanches ; la deuxième, de l’écologie ; la troisième, des mœurs familiales. Très bien conçues, elles ont connu un grand succès dans les pays nordiques et une bonne partie du monde. Des remakes ont été tournés : The Bridge, aux États-Unis, et Le Pont en France. .La deuxième saison est peut-être la meilleure des trois premières (nous n’avons pas vu la quatrième). Outre la perpétuelle rivalité entre le Danemark et la Suède, l’intrigue est là, solide et difficile à suivre rigoureusement d’un bout à l’autre, rehaussée par le jeu des acteurs – dont bien sûr Sofia Helin qui incarne Sara Norén, non moins talentueuse que Sofie Gråbøl dans The Killing – c’est dire.
* Hans Rosenfeldt, Bron/Broen (3 séries, 2011-2018)
Le Caire confidentiel
Le tournage du film Le Caire confidentiel, du cinéaste Tarik Saleh (né en 1972 et auteur, par ailleurs, d’un graffiti, en banlieue de Stockholm, inscrit au patrimoine culturel), aurait dû avoir lieu en Égypte, mais il s’est finalement déroulé au Maroc. Il est vrai que l’image qu’il donne de la société égyptienne (en janvier 2011, donc juste avant les révolutions dites de jasmin) est plutôt désastreuse. La corruption gangrène le pays et ce, à tous les niveaux, notamment au sein de la police qui ne voit, dans chaque affaire, que l’argent ou les avantages divers qu’il est possible pour elle de gagner. Aussi, lorsque le corps d’une jeune chanteuse est découvert dans la chambre d’un hôtel de luxe du Caire où séjournait un représentant de l’Assemblée nationale, l’inspecteur Noureddine (l’excellent Fares Fares) reçoit vite la consigne de classer l’affaire. En toile de fond, les manifestations quotidiennes pour réclamer plus de liberté et leur violente répression. L’idée de départ de ce film est un meurtre à Dubaï, commandité par un homme politique égyptien proche de l’ancien président Hosni Moubarak. L’enquête est entravée dès le début et seule la persévérance du policier, opposé à toute sa hiérarchie, lui permet d’avancer. Un film réussi, tant pour les questions qu’il soulève que pour son esthétique.
* Tarik Saleh, Le Caire confidentiel (The Nile Hilton incident), 2017
Granny’s dancing on the table
Alors que beaucoup de films se parodient les uns, les autres, celui-ci, Granny’s dancing on the table, est profondément original. Déjà, parce que les scènes de flashbacks sont tournées en animation, ce qui soulage quelque peu la violence latente des scènes comportant de vrais acteurs – deux acteurs : le père et sa fille. Ils vivent dans une maison isolée, en pleine forêt suédoise. Lui, on ne sait pas trop ce qu’il fait de ses journées, sinon qu’il lit beaucoup et réfléchit. Et qu’il voit le monde extérieur comme une véritable menace. Elle, Eini, est adolescente. Elle ne rencontre personne, parle à peine et supporte comme elle le peut cette solitude imposée. Dans l’entretien en bonus à la version DVD de ce film sorti grâce à un financement participatif, Hanna Sköld (née en 1977) affirme avoir voulu faire un long-métrage sur la violence : quand des coups sont donnés, comme ici en famille et de façon presque héréditaire, ou quand le silence semble être la seule réponse possible. Un très beau film, esthétiquement et sur le fond, intelligent et dérangeant.
* Hanna Sköld, Granny’s dancing on the table, 2015 (Tamasa)
Tales from the loop
Tales from the loop est une série télévisée originale, qui manie vision prospectiviste de la société et réalité. Le point de départ ? Une idée qui relève de la science-fiction mais qui n’est pas pour autant folle : les scientifiques soviétiques découvrent, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’effet nommé « magnétrine », qui permet de faire circuler des véhicules dans le ciel en utilisant les champs magnétiques terrestres. Le gouvernement suédois décide, lui, en 1954, de construire à proximité de Stockholm, le plus grand accélérateur de particules au monde, à l’instar de ce qui se fera ensuite en Suisse (le CERN). Sur cette lancée, une multitude d’engins voient le jour : « La recherche se concentrait sur la biomécanique, la robotique évolutionnaire et la cybernétique. » Stupéfaction, effroi de la population locale quand des prototypes s’échappent ! La mise hors service du projet date de novembre 1994, ajoute l’auteur, contant l’histoire de ce « passé qui n’a jamais existé ». En deux beaux volumes (Tales from the loop, puis Things from the loop), Simon Stålenhag (né en 1984) rend compte de l’expérience cinématographique – ce nouveau monde vu et restitué par un enfant qui habite sur place. Résultat ? Des ouvrages richement illustrés, photographies et croquis dessinés, qui troublent le lecteur. Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui ne l’est pas ? « Les récits que je rapporte ici sont pour la plupart basés sur mes souvenirs et ceux d’autrui... », explique Simon Stålenhag, jouant sur les artifices littéraires, en préambule de Tales from the loop. Entre le livre d’art (photographies détournées, dessins réalistes) et le récit de science-fiction pur et dur, Tales from the loop séduit. Nathaniel Halpern s’est est saisi pour réaliser une série (deux saisons à ce jour), dont les épisodes, prenant ce décor insolite pour cadre, sont plus ou moins indépendants les uns des autres. Un jeu de rôle a été créé. Une œuvre singulière et futuriste, inclassable.
* Simon Stålenhag, Tales from the loop (2014), trad. de l’anglais Sandy Julien, Akileos, 2021
Things from the flood
Ce livre est à lire à la suite de Tales of the loop, reflet de la série télévisée du même nom signée Simon Stålenhag. « En travaillant sur le premier ouvrage, je savais déjà que les années 1995 à 1999, ainsi que les étranges événements qui suivirent la désactivation du Loop, nécessiteraient un volume à elles seules. » En 1994, de graves inondations contraignent les habitants de Färingsö et des environs à s’éloigner. Les causes ne sont pas naturelles mais liées au Loop. Le gouvernement se résout à abandonner ce projet, laissant les lieux aux enfants, comme un incroyable terrain de jeux. Une réussite télévisuelle et photographique de l’imaginaire.
* Simon Stålenhag, Things from the flood (2016), trad. de l’anglais Sandy Julien, Akileos, 2021
The Electric state
Si ce livre peut se lire à la suite de Tales of the loop, reflet de la série télévisée du même nom signée Simon Stålenhag, il diffère cependant. L’action ne se passe plus en Suède mais aux États-Unis, dans un décor de science-fiction créé en partie par ordinateur. « Ce sont des pilotes de drones qui ont livré et remporté la guerre, des hommes et des femmes qui travaillaient dans des centres de contrôle, loin du champ de bataille où des machines autonomes se livraient à un jeu de stratégie acharné depuis plus de sept ans. » Michelle, une jeune fille, et Ted et Birgitte, ses parents adoptifs, remontent les Rocheuses, direction la côte ouest. Le paysage est parsemé d’engins bizarres, robots, appareils d’entretien des routes et autres vaisseaux de guerre en train de rouiller, un véritable « cimetière d’épaves », reflet de notre civilisation consumériste. « Si l’intellect humain naît des interactions entre une centaine de milliards de cellules du cerveau, qu’advient-il lorsqu’on les relie à quelques centaines de milliards d’autres ? Au niveau neuronique, serait-il possible de connecter deux cerveaux, voire davantage ? Et dans ce cas, quel type de conscience émergerait d’une telle étendue phénoménale ? » Nous sommes là encore dans un monde qui ressemble au nôtre, avec des références à la fin du XXe siècle, et qui pourtant en est fort différent lorsqu’on se met à l’examiner, selon le lieu où l’on se trouve, à l’abri ou non « de la réaction en chaîne qui avait commencé loin à l’intérieur des terres ». On ne sait pas trop ce que Michelle cherche à fuir et ce n’en est que plus angoissant. Tout dans cet univers d’une douce apocalypse prend allure de danger potentiel. Avec The Electric state, Simon Stålenhag livre de nouveau un récit, puisqu’au fond il s’agit bien d’un récit, intelligemment ancré dans notre quotidien. Le futur proposé est suffisamment proche de la forme que nous pouvons supposer qu’il prendra, pour nous saisir à la gorge. Qu’est-ce qui cloche dans notre monde ? Nous, les humains, bien sûr !
* Simon Stålenhag, The Electric state (2017), trad. de l’anglais Sandy Julien, Akileos, 2022
The Last contract
Tiré d’un roman éponyme dont le nom de l’auteur, John W. Grow, est en fait un pseudonyme (qui se cache derrière ? pressentis, Jan Guillou et Leif G. W. Persson ont démenti), ce film, The Last contract, retrace le parcours d’un tueur à gages qui finit par assassiner le Premier ministre suédois Olof Palme. L’hypothèse exposée ici, une commande des services secrets américains, est plausible. Partisan d’une politique de neutralité, Palme gênait beaucoup de monde et, en Suède même, possédait d’irréductibles ennemis. Le cinéaste Kjell Sundvall (né en 1953 et auteur de nombreux films et de séries télé, dont l’une consacrée au personnage de Martin Beck du couple Sjöwall-Wahlöö) livre un film rapide dont les différentes actions s’imbriquent au fur et à mesure. La thèse qu’il présente ici est plausible. Nous aurions aimé en savoir plus – ce qui aurait signifié sortir de l’intrigue de ce film d’action, ce qui n’était apparemment plus dans les intentions de Kjell Sundvall.
* Kjell Sundvall, The Last contract(Sista kontraktet), 1998
Hunters/Les Chasseurs
Kjell Sundvall n’est peut-être pas le cinéaste suédois le plus inspiré. Pourtant, ce film, Hunters, ne laissera pas le spectateur indifférent. Il vaut notamment par les paysages de Laponie saisis à différents moments, et par cette charge contre les chasseurs de rennes, des braconniers en l’occurrence, bêtes et violents. La figure du policier, longtemps seul contre tous, est bien interprétée. Hunters est plutôt un bon film.
* Kjell Sundvall, Hunters/Les Chasseurs(1998)
Qui a fait un bébé à ma femme/Happy Christmas
Rien n’est jamais définitif, pas même le fait d’être con et raciste. Voilà ce que nous apprend ce film de Kjell Sundvall, Qui a fait un bébé à ma femme ? (titré par ailleurs Happy Christmas). Une comédie grinçante, à la Festen, un peu lourde d’un bout à l’autre et qui n’arrache des sourires qu’avec peine.
* Kjell Sundvall, Qui a fait un bébé à ma femme/Happy Christmas (2001)