Bandes dessinées
C’est censé être une blague ?
Après Et ça vous fait rire ? et Et vous trouvez ça drôle ?, voici, du nommé Hugleikur Dagsson (né en 1977, dramaturge et critique de films par ailleurs), C’est censé être une blague ? De petites vignettes pour un livre petit format, toutes d’un humour noir et même « trash ». « Super idée : On pourrait aller chez moi et pousser mon frère aveugle dans le grand escalier », dit un personnage, ce à quoi trois autres lui répondent « Mais oui ! Carrément ! Génial ! » Ou encore : « Chérie, il faut qu’on aille rejoindre nos invités, maintenant. - Je ne peux pas bouger d’ici. J’ai chié sous ma robe. » Voilà. Tout est plus ou moins sur ce ton. On aime ou on n’aime pas l’humour ado, gras et lourd. Difficile d’y trouver du second degré ou des allusions politiques : pas le genre de la maison, semble-t-il.
* Hugleikur Dagsson, C’est censé être une blague ?, Vraoum, 2019
Björk, une femme islandaise
Signée Guillaume Lebeau (texte) et Christelle Pécout (illustrations), Björk, une femme islandaise est une bande dessinée qui retrace chronologiquement et fidèlement la vie de la chanteuse. Née en 1965, Björk porte le prénom d’un arbre, le bouleau, si courant dans les Pays nordiques où il supporte le froid et le vent. Enfant précoce, elle s’inscrit dans la mouvance musicale punk islandaise dès ses débuts sur scène. Le succès vient vite. Björk est une touche-à-tout. On la voit au cinéma (dans Dancer in the dark de Lars von Trier, 2000), dans les arts plastique, la mode… Toujours surprenante, toujours originale.
* Guillaume Lebeau/Christelle Pécout, Björk, une femme islandaise, Marabout (Marabulles), 2015
L’Islande de Anneli Furmark
Envoûtant voyage en Islande, que Anneli Furmark offre aux lecteurs avec Le Centre de la Terre (Jordens Medelpunkt, 2012, trad. Fanny Törnberg, Çà et là, 2013) – clin d’œil à Jules Verne dont le roman Voyage au centre de la Terre démarre, on ne l’ignore pas, sur cette île. Ici, Anneli Furmark (née en 1962) relate le voyage de Suédois, un couple, Toralf, féru de culture islandaise, Marie, sa compagne, et Axel, le fils adolescent de celle-ci. Les paysages sont d’une beauté à couper le souffle, les habitants plutôt accueillants. Les journées sont planifiées et tout se passe bien jusqu’à la troisième, lorsque le trio s’égare sur une route perpendiculaire à la côte et que… L’auteure, qui dit être « amoureuse » de l’Islande, nous restitue avec grand talent tant les parfums des paysages que l’ambiance des rues de Reykjavík. Elle met aussi en scène avec finesse le mal-être d’un adolescent, les écouteurs vissés sur ses oreilles, rétif aux commentaires érudits de son beau-père sur leur voyage. C’est un vrai roman noir que Anneli Furmark livre là (dont le dénouement n’est pas sans évoquer l’un des événements majeurs de la vie d’Erlendur, le flic de Arnaldur Indridason). Un roman graphique prenant, qui s’insère dans une œuvre singulière (trois titres d’elle aujourd’hui en français).
* Anneli Furmark, Le Centre de la Terre (Jordens Medelpunkt, 2012, trad. Fanny Törnberg), Çà et là, 2013
La Saga de Grimr
Si vous aimez les bandes dessinées au graphisme, on peut le dire, époustouflant, celle-ci, La Saga de Grimr, signée Jérémie Moreau, est pour vous. Mais cet album ne mérite pas d’être signalé pour cette seule qualité. La Saga de Grimr nous plonge dans l’Islande du XVIIIe siècle, quand la famine revenait régulièrement décimer la population, que le Danemark, puissance alors coloniale, se montrait oppresseur, que des raids de pirates venus de loin décimaient les villages (cf. L’Esclave islandaise de Steinum Jóhannesdóttir) et que, de temps à autre, un volcan explosait, signifiant la toute puissance de la nature sur cette île aux confins du monde. Et bien sûr, la religion et la superstition se mêlaient à ces diverses catastrophes et stigmatisaient les quelques esprits libres qui s’acharnaient à contrarier le sort. Né en 1987 en France, auteur de quelques albums et déjà récompensé à plusieurs reprises (notamment à Angoulême), scénariste et illustrateur, Jérémie Moreau nous relate ici la vie d’un personnage fictif, Grimr Enginsson, autrement dit Grimr fils de personne. Recueilli après la mort de ses parents par Vigmar, un marginal, Grimr est une sorte de géant roux d’une force surhumaine. Considéré comme un troll, il est rejeté et conduit à affronter les puissants et la bêtise de son époque. « Je ne veux surtout pas mourir dans l’indifférence. Ma famille a disparu comme si de rien n’était. Vigmar, pareil. Ils sont morts en un claquement de doigts, du jour au lendemain. Et il n’y a que moi pour les pleurer. Alors je pense à tout ce que je vais faire dans ma vie. Je veux devenir immense. » Une belle œuvre, avec des illustrations littéralement à couper le souffle. Les paysages d’Islande s’y prêtent, il est vrai, et Jérémie Moreau nous les restitue avec grand talent dans cette Saga qui donne à réfléchir (notamment, donc, sur les questions de tolérance et d’exclusion). Quand la vie – ou la survie – n’est qu’un long moment de fuite…
* Jérémie Moreau, La Saga de Grimr, Delcourt, 2017