Contes
Histoires nordiques
Les contes de ce volume, Histoires nordiques, sont rassemblés autour de trois thèmes : transformation, ruse et voyages. Pourquoi pas ? Ces thèmes constituent en effet l’ossature de nombre de contes des cinq pays nordiques, certains très connus, d’autres moins, tous écrits ou recueillis au cours du XIXe siècle et au début du XXe. La Mariée de la forêt (Finlande) montre comment, grâce à son caractère « si bon et généreux », un homme simple en vient à épouser une princesse. La morale, ce n’est sans doute pas qu’une princesse constitue l’être idéal, mais que le courage et la modestie sont des qualités qui ouvrent bien des portes. Venu de Norvège, À l’est du soleil et à l’ouest de la lune est un grand classique. « Il était une fois un homme qui avait beaucoup d’enfants, mais bien peu de nourriture et de vêtements à leur offrir. » Doit-il accepter de confier sa fille cadette, « si belle que presque trop de tendresse résidait en elle », à un ours, pour devenir aussi riche qu’il est « pauvre maintenant » ? Comme toujours dans les contes, les questions ici soulevées sont de toute éternité. Les princesses, les rois, Dieu, sont omniprésents, mais pas forcément omnipotents. Comme les trolls, les elfes, le « peuple des collines » (Les voisins de Toller, conte du Danemark) et autres bestioles d’allure vaguement humaine. Ils sont des éléments du décor, dont il est possible de s’affranchir. D’une grande actualité sous ses dehors bucoliques, Les Voisins de Toller n’est-il pas un conte pacifiste et anticlérical ? Quant à celui intitulé Ainsi va le monde, de Norvège, il prête à réfléchir sur le statut et la responsabilité de l’homme (à l’heure, par exemple, des rapports alarmants du GIEC). Également de Norvège, La Mort et le docteur interroge sur la notion de justice. Tout ce que j’ai, de Suède, est plein d’un humour revanchard, qui fait du bien – et peut-être aussi de féminisme. Solidarité et cupidité s’opposent dans La Vieillarde et le vagabond, de Suède ; honnêteté et empathie dans Un Sou honnête, de Norvège. La lecture de ces contes ne s’adresse évidemment pas qu’aux enfants, quoi que les enfants adorent souvent se creuser la tête sur les notions philosophiques. Dommage que le temps des veillées soit révolu, car leur lecture à haute voix devant une cheminée et entre amis serait à même de rasséréner et de réconcilier petits et grands. Remarquons la qualité des illustrations, avec de faux airs évoquant les travaux de John Bauer (dont Ulla Thynell se revendique, citant encore Tove Jansson). Pratiquant la peinture et le dessin, éventuellement sur ordinateur, l’artiste finlandaise a illustré des livres pour enfants et des livres d’art. Un bien bel ouvrage. (Précisons juste au traducteur que Jokmok, ou plutôt Jokkmokk, n’est pas « une montagne située entre la Suède et la Norvège », mais une ville de la Laponie suédoise.)
* X, Histoires nordiques (ill. Ulla Thynell), trad. Baptiste Levy-Gastaud, Nuinui, 2022